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2 août 2007 4 02 /08 /août /2007 15:53
            L’Assemblée Nationale a examiné du 30 juillet au 2 août le projet de loi relatif à l’instauration d’un « service minimum » dans les transports.
 
            Membre de la commission spéciale chargée d’étudier le texte, Marc Dolez est intervenu à de nombreuses reprises en séance, dans la discussion générale et celle des articles. Il a aussi déposé plusieurs  amendements, pour combattre un projet de loi qui porte une attaque frontale contre le droit de grève.
 
            Ci-après son intervention, au début de la discussion, pour dénoncer ce qu’il a appelé une loi « scélérate ».
 
            L’intégralité des débats peut être consultés sur le site de l’Assemblée Nationale.
           
 
 
Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,
 
 
            Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est d’abord un texte d’affichage.
 
            Affichage sur le dialogue social puisque s’il est évident que la négociation est le meilleur moyen de prévenir les conflits, les obstacles sont nombreux pour l’empêcher d’aboutir.
 
            Le délai très court imposé pour conclure un accord-cadre de prévention des conflits, avant le 1er janvier 2008, est impossible à tenir. Tout le monde le sait.
 
            Pour l’accord-cadre, le plan de transport et l’accord de prévisibilité, les conditions sont telles que la sortie est clairement indiquée : c’est un décret en Conseil d’Etat qui fixe les règles de négociations, c’est le représentant de l’Etat qui fixe le plan de transport adapté, c’est l’employeur qui définit seul le plan de prévisibilité.
 
            Plutôt que d’instaurer une sorte de préavis du préavis à l’article 2, mieux vaudrait garantir  l’application  des textes  en  vigueur  et en particulier du principe posé par la loi du 18 octobre 1982 selon lequel « pendant les préavis, les parties sont tenues de négocier ».
 
            Affichage sur la continuité du service public, puisque les principaux facteurs de discontinuité du service ne sont pas traités.
 
            Le projet de loi n’aborde pas le problème fondamental de la dégradation du service public offert aux usagers, dûe aux défaillances matérielles, aux insuffisances en personnels, en moyens financiers et en infrastructures, défaillances et insuffisances qui provoquent retards et suppressions de dessertes.
 
            Ce projet de loi ne répond en rien aux attentes légitimes des usagers en termes de qualité de service public au quotidien. Mais, pour y répondre, encore faudrait-il tirer les leçons des politiques de déréglementation et de libéralisation successives, du démantèlement des services publics au nom de la rentabilité.
 
            Alors que le seul objectif devrait être de garantir la continuité du service public chaque jour de l’année, le projet de loi ne vise que les 2 à 3 % de perturbations du trafic engendrés par des mouvements sociaux.
 
            Affichage sur le service minimum, car il y a ici un abus de langage qui tend à faire croire à l’opinion que les entreprises de transport peuvent fonctionner à minima, en préservant le plein exercice du droit de grève par les salariés.
 
            La référence au « différents niveaux de service en fonction de l’importance de la perturbation » démontre bien que la solution qui sera mise en place dépend des personnels et matériels qui pourraient être mobilisés.
 
            Si la grève est très suivie, il n’y aura pas de service du tout. Vous le savez parfaitement, monsieur le ministre, et c’est la raison pour laquelle vous voulez dissuader d’exercer le droit de grève.
 
            Derrière ces affichages et l’alibi de l’intérêt de l’usager, il y a en réalité une attaque en règle du droit de grève.
 
            Même si l’interdiction ou la réquisition ne sont pas évoquées, l’envie n’en manque pourtant pas à la majorité, c’est bien un texte de contrainte et de dissuasion pour retirer toute consistance au droit de grève.
 
            Plusieurs dispositions n’ont pour seule finalité que d’isoler les grévistes, rendre plus difficile l’exercice du droit de grève et restreindre les capacités de résistance sociale des salariés.
 
            Le mécanisme de notification et de négociation préalables appliqué, y compris aux grèves inter-professionnelles, ne sert qu’à allonger la durée du préavis et se comprend en liaison avec l’article 3 qui interdit les préavis glissants.
 
            La déclaration préalable du gréviste 48 heures avant le début du mouvement, accompagnée d’une menace de sanction disciplinaire (article 5), revient à instaurer un préavis de grève individuel, alors que, si le droit de grève est individuel, le préavis est collectif et syndical pour protéger les salariés.
 
            Cette disposition va durcir les relations sociales, notamment dans les petites entreprises, et surtout constituer un formidable moyen de pression sur les salariés. Le ministre a lui-même reconnu le risque puisqu’il a indiqué que le gouvernement sera « vigilant à l’égard des entreprises qui utiliseraient le préavis pour faire pression sur les salariés ».
 
            La consultation des salariés sur la poursuite de la grève (article 6), organisée par la seule entreprise et demandée de longue date par le patronat, n’a pour but que de faire pression, intimider, diviser, discréditer.
 
            Je doute fortement de la constitutionnalité de ces différentes mesures, - le conseil constitutionnel en sera saisi - , qui s’avèrent également contraires aux engagements internationaux de la France et notamment à la convention 516 de l’organisation internationale du travail (OIT).
 
            Faisant régulièrement référence au « parler vrai », le gouvernement se devrait d’assumer pleinement la réalité du texte qu’il nous propose.
 
            C’est pourquoi, pour conclure, je me tourne vers vous monsieur le ministre : quelles sont les intentions véritables du gouvernement et du président de la République ?
 
            Compte-tenu des déclarations du premier ministre, du porte parole du gouvernement et de ce qu’il faut bien appeler les démangeaisons de votre majorité tant au sénat qu’à l’Assemblée Nationale, nous sommes en droit de nous interroger :Est-ce le prélude à un réexamen plus général de l’exercice du droit de grève ? le prélude à une extension à l’ensemble des services publics ?
 
            Pour le moment, nous soupçonnons simplement mais fortement le gouvernement d’avoir de la suite dans les idées : Pour vous, compte tenu du précédent de 1995, mieux vaut limiter le droit de grève dans les transports, avant d’instaurer, dans quelques semaines, le contrat de travail unique, qui signera la mort du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) ou de vous attaquer aux régimes spéciaux de retraite.
 
            J’ai pour ma part la conviction qu’à l’issue de nos débats, ni les Français ni les salariés ne seront dupes de vos véritables intentions.
 
 
 
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