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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 14:45

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe GDR.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, comme je l’ai indiqué lors de l’examen en commission élargie, notre groupe porte une appréciation nuancée mais globalement positive sur ce projet de budget 2014 de la justice qui, après une hausse significative en 2013, ne progresse que très légèrement cette année.
Notre appréciation est nuancée car, et c’est notre inquiétude, les moyens alloués à la justice restent selon nous insuffisants pour permettre à ses services de fonctionner convenablement mais, dans le même temps, la suppression de la contribution pour l’aide juridictionnelle et la mise en œuvre de la future loi sur la prévention de la récidive et l’individualisation des peines constituent incontestablement des avancées.
Nous regrettons d’abord que le budget de la protection judiciaire de la jeunesse, dont la situation demeure très préoccupante, soit en diminution, une réduction budgétaire qui touche d’abord les structures éducatives, les soixante-dix-huit emplois créés l’étant principalement pour l’ouverture des deux nouveaux centres éducatifs fermés. Nous tenons ici à rappeler à cet égard notre opposition à la généralisation de ces centres au détriment des autres structures d’accueil et de réinsertion.
S’agissant des effectifs de l’administration pénitentiaire, les 432 emplois créés seront affectés à l’ouverture d’établissements, à la mise en œuvre de la future loi sur la prévention de la récidive et au nouveau plan de sécurisation des établissements pénitentiaires. Si nous saluons ces créations d’emplois, nous savons aussi qu’elles ne suffiront malheureusement pas à répondre aux besoins. Mille postes vacants de surveillants ne sont toujours pas pourvus et les départs à la retraite ne seront pas compensés.
Concernant la justice judiciaire, la création de postes de magistrat ne permettra pas d’améliorer substantiellement l’état des juridictions, 358 postes sont vacants et 1 400 magistrats partiront à la retraite dans les trois ans. Enfin, les budgets de fonctionnement des juridictions stagneront en 2014 alors que bon nombre d’entre elles, vous le savez, connaissent une situation particulièrement dégradée.
Pour autant, en dépit de ces réserves et de ces critiques, nous nous plaisons aussi à souligner la nouvelle orientation donnée au budget de la justice et, surtout, les moyens octroyés pour donner chair aux réformes engagées.
Nous soutenons votre volonté, madame la garde des sceaux, de rompre avec la politique inefficace du tout répressif et du tout carcéral, comme l’atteste le projet de loi sur la prévention de la récidive. Prévenir la récidive, donner un sens à la peine, rendre efficace la sanction, permettre la réinsertion sont autant d’objectifs auxquels nous souscrivons pleinement.
Nous saluons en particulier le fait que le Gouvernement se donne les moyens de l’efficacité pour prévenir la récidive en prenant dès aujourd’hui des dispositions d’accompagnement de ce projet de loi avec la création d’un millier de postes sur trois ans pour les services d’insertion et de probation. Cet effort particulier en faveur des conseillers d’insertion et de probation est tout à fait opportun car c’est effectivement sur eux que pèsera l’essentiel du travail d’encadrement, de suivi et de surveillance du respect des obligations et interdictions, qu’il s’agisse de la contrainte pénale, des autres exécutions de peine en milieu ouvert ou du dispositif conduisant à l’examen de la situation d’un détenu aux deux tiers de l’exécution de sa peine.
Nous saluons, enfin, la suppression de la contribution pour l’aide juridique. Notre groupe avait d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens dès le début de la législature. Cette taxe inique de trente-cinq euros pénalisant en premier lieu nos concitoyens les plus modestes, sa suppression est à l’évidence une mesure de justice sociale.
C’est pour toutes ces raisons, madame la garde des sceaux, chers collègues, que les députés du Front de gauche voteront ce budget de la justice pour 2014.

 

-      2ème séance du mardi 5 Novembre 2013   -

 

 

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17 octobre 2013 4 17 /10 /octobre /2013 15:58

L’Assemblée Nationale a adopté le 15 Octobre, à une courte majorité, la réforme des retraites présentée par le gouvernement. Durant tous les débats qui ont duré 5 jours et 5 nuits (du 7 au 11 Octobre), les députés du Front de Gauche ont fermement combattu cette nouvelle régression sociale, tout en faisant des propositions alternatives permettant de garantir le financement de la retraite à 60 ans et à taux plein.

Ci-joint quelques extraits des principales interventions de Marc DOLEZ :

Un enjeu de société

… Je veux vous dire, madame la ministre, que nous sommes totalement opposés au nouveau recul social que vous nous proposez, qui va se traduire mécaniquement par un nouveau recul de l’âge effectif du départ à la retraite, et par une baisse du niveau des pensions. Pour notre part, nous restons indéfectiblement attachés à cette grande conquête sociale de 1981 que constitue le droit à la retraite à 60 ans et à taux plein. Au-delà des différents dispositifs que vous nous proposez, nous sommes opposés à la philosophie même de votre projet, que vous venez de rappeler – en bref, le fait que l’allongement de l’espérance de vie justifierait le recul du départ de l’âge à la retraite. Nous contestons cette position pour trois raisons. Premièrement, cette vérité démographique fait abstraction d’un point important : l’augmentation constante de la productivité du travail, en parallèle à l’allongement de l’espérance de vie. Par ailleurs, le problème de financement du système de retraite par répartition n’est pas lié au vieillissement de la population, mais au chômage de masse et aux bas salaires.Deuxièmement, vous ne parlez pas de l’espérance de vie en bonne santé – 61,9 ans pour les hommes et 63,5 ans pour les femmes – qui, elle, a diminué au cours de ces dernières années. Troisième raison, et c’est en ce sens que nous considérons cette question comme un véritable enjeu de société : les gains en matière d’espérance de vie ne doivent pas justifier un allongement du temps de travail, mais au contraire offrir la possibilité d’une durée de vie en dehors du travail plus importante. Il s’agit en effet d’une juste reconnaissance que nous devons aux hommes et aux femmes qui ont travaillé dur tout au long de leur vie, ainsi que d’un bienfait pour l’ensemble de la société : le fait que les retraités puissent vivre en forme et disposer de conditions d’existence décentes est important en soi et présente de surcroît une grande utilité sociale… (1ère séance du 7 Octobre)

Une réforme hypocrite

… Personne ne nie qu’il faille trouver les financements nécessaires au maintien et au développement du système par répartition, qui est au cœur de notre pacte républicain en liant les générations entre elles. Ceci étant, vouloir faire travailler les salariés plus longtemps, que ce soit en reportant l’âge légal de départ à la retraite ou en augmentant, comme c’est ici proposé, la durée de cotisation, est doublement hypocrite. Tout d’abord, vu l’état du marché du travail, il sera de plus en plus difficile de réunir les annuités requises pour bénéficier d’une pension à taux plein. Le COR lui-même indique que l’âge moyen de cessation d’activité est à peine supérieur à 59 ans, et une majorité de salariés sont hors emploi – chômage, invalidité, inactivité, dispense de recherche d’emploi – au moment de partir à la retraite. L’augmentation de la durée de cotisation aura donc d’abord et avant tout pour conséquence, au moment de la liquidation de la retraite, de réduire la pension pour le plus grand nombre. Nous devrions, à cet article 1er, réaffirmer notre attachement à la retraite à prestations définies, héritée du système mis en place en 1946. La seconde raison pour laquelle nous sommes très critiques vis-à-vis de cette proposition est que faire travailler plus longtemps les salariés revient à rompre le contrat entre générations, car la solidarité intergénérationnelle a deux volets : si les actifs paient les pensions des retraités, en contrepartie, les salariés âgés laissent leur place sur le marché du travail aux jeunes générations. Cette exigence est d’autant plus importante que le chômage de masse perdure. Décaler l’âge effectif de départ à la retraite, qui sera la conséquence de l’augmentation de la durée de cotisation, revient à préférer entretenir le chômage des jeunes plutôt que de payer les retraites…(2ème séance du 7 Octobre)

Un effort inégalement réparti

… Il est très important de réaffirmer dès le début du texte que notre système de retraites est solidaire. En effet, réitérer cette affirmation implique évidemment un effort proportionné de la part de toutes les parties à la solidarité nationale : les actifs, les retraités et les employeurs. Or, à la lecture du projet de loi – nous aurons l’occasion de le démontrer tout au long de nos débats –, nous constatons qu’il n’en est rien : ce sont surtout les actifs et les retraités qui sont mis à contribution,… et non les employeurs, puisque le Gouvernement a annoncé qu’il engageait une réforme pour que le financement de la protection sociale et de la branche famille en particulier pèse moins sur le coût du travail […]. Cette évolution sera engagée dès 2014, de sorte qu’il n’y ait pas de hausse du coût du travail l’année prochaine. Par conséquent, l’effort sera inégalement réparti. S’il est vrai que la hausse des cotisations salariales ne sera peut-être que de quelques euros, elle aura pour les plus bas salaires un impact non négligeable qui s’ajoutera à d’autres augmentations – je pense en particulier à la hausse de TVA prévue pour le 1er janvier.
Lorsque l’on parle de solidarité, nous posons la question essentielle et primordiale de la répartition des richesses. C’est ce point que nous reprendrons dans la suite du débat, à travers un certain nombre d’amendements, afin qu’une autre répartition des richesses permette d’assurer le financement d’un système de retraites réellement solidaire…(2ème séance du 7 Octobre)

 

Une ponction inacceptable sur les petites retraites

 

… Je veux insister sur la forte contribution à laquelle les retraités actuels vont être soumis du fait de la réforme qui nous est proposée puisque les mesures avancées dégraderont très sensiblement leur pouvoir d’achat. Le report de la date d’indexation du 1er avril au 1er octobre, ce qui signifie dix-huit mois sans augmentation, représente un coût global de 1,4 milliard d’euros. La suppression de l’exonération fiscale de la majoration de 10 % pour les retraités ayant élevé trois enfants représente, quant à elle, 1,3 milliard d’euros, soit un total de 2,7 milliards c’est-à-dire une contribution plus importante que celle des actifs ou celle des entreprises. Cette perte est estimée en moyenne à 144 euros par an pour un retraité, sachant qu’elle ne concerne pas une seule année mais qu’elle se répercutera sur toutes les années ultérieures. On voit bien qu’il y a là un véritable problème de pouvoir d’achat des retraités dans ce pays, si on veut bien avoir en tête que plus de la moitié d’entre eux ont une pension inférieure à 1 200 euros par mois et qu’entre 800 000 et 900 000 retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté. Cet amendement est donc, je crois, le bienvenu, parce qu’il permet de poser cette question extrêmement importante du pouvoir d’achat… (1ére séance du 8 Octobre)

… Je crois que nos différentes interventions ont montré que, contrairement à ce qui est indiqué dans l’exposé des motifs du projet de loi, les mesures qui sont proposées ne reposent pas sur « un effort justement réparti entre tous ». L’essentiel de l’effort pèse sur les retraités, qui sont ponctionnés de 600 à 800 millions d’euros dès l’année 2014. Ce montant atteindra 1,4 milliards d’euros en 2020. Je l’ai dit tout à l’heure : en moyenne, la perte, pour les retraités, atteindra 144 euros. Cela concernera, évidemment les années ultérieures. Madame la ministre, comment le Gouvernement peut-il écrire dans l’exposé des motifs qu’il « a souhaité préserver les petites retraites », au prétexte que « le report de revalorisation ne concernera pas les retraités au minimum vieillesse » ? Comme vous le savez peut-être, la plupart d’entre ceux qui sont juste au-dessus du minimum vieillesse… ne peuvent plus se soigner, ne mangent pas à leur faim tous les jours et ne peuvent pas payer leur loyer ni faire face à toutes les factures qui leur parviennent au quotidien. Comment dire, aujourd’hui, que les petites retraites sont épargnées ? Madame la ministre, un gouvernement de gauche ne peut pas dire des choses pareilles ! Je vous demande, dans la fidélité à celles et ceux qui ont permis, en 1981, cette grande conquête qu’a été la retraite à 60 ans, de renoncer à cette mesure injuste et cynique !...(2ème séance du 9 Octobre)

 

Un autre partage des richesses

 

… L’allongement de la durée de cotisation ne manquera pas, hélas, de se traduire par un nouveau recul de l’âge effectif de départ en retraite alors que, dans le secteur privé, 60 % des salariés qui prennent leur retraite ne sont plus au travail. Dès lors que l’on ne cesse de durcir les conditions pour obtenir le droit à une retraite à taux plein, il est évident que la première des conséquences sera une baisse des pensions, laquelle affectera un nombre important de retraités. Et là nous sommes au cœur du débat que nous pensons essentiel sur cette question : le nouveau partage des richesses, qui permettrait de financer notre système de retraites dans de bonnes conditions. Le problème, en effet, ce n’est pas le montant des cotisations, ni leur durée, mais l’élargissement de leur assiette. Nous, nous proposons de l’élargir aux revenus financiers des entreprises, qui sont issus de la création de richesses produites par le travail. Cela ne serait que justice dans la mesure où, vous le savez, la productivité réelle du travail n’a cessé de croître tout au long de ces dernières années. Si l’on se contentait de taxer les revenus financiers des entreprises au taux de 10 % et de percevoir la cotisation patronale sur les salaires, les rentrées d’argent se situeraient entre 25 et 30 milliards et permettraient ainsi de faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Cela permettrait également de rééquilibrer les efforts contributifs des salaires et du capital. Je rappelle que, depuis trente ans, 10 % de la richesse produite est passée à la rémunération du capital, au détriment de la rémunération du travail... (1ère séance du 8 Octobre)

 

Un comité de suivi sous tutelle

 

… Notre amendement de suppression se justifie par un certain nombre de raisons de fond. Premièrement, il subsiste des zones d’ombre en dépit de vos explications, madame la ministre. J’ai entendu ce que vous avez dit au sujet du nombre de décrets, qui vous paraît raisonnable compte tenu du texte auquel ils se rattachent, mais la question n’est pas tant le nombre de décrets que l’importance de leur contenu. Ainsi, les alinéas 23 à 25 montrent que le Gouvernement entend fixer par décret le plafond d’augmentation du taux de cotisation ou le plancher de réduction du taux de remplacement, ce qui n’est pas rien ! Ce n’est qu’ensuite que le comité de suivi, placé sous la tutelle du Gouvernement, fera ses recommandations, dans le cadre du décret : CQFD. Deuxièmement, il me paraît difficile de soutenir comme vous le faites, madame la ministre, que le comité sera indépendant, dans la mesure où il est nommé par décret par le Gouvernement et où son président est nommé en conseil des ministres. Par ailleurs, je vous fais remarquer qu’en l’état actuel du texte, le président du comité n’est pas nommé pour une durée précise. Est-ce donc à dire qu’il est révocable à tout moment ? En tout cas, ce qui est sûr, c’est que le comité ne sera soumis à aucun contrôle parlementaire. Troisièmement, on nous dit que le Gouvernement ne sera pas tenu de suivre les recommandations et avis du comité. Mais dans la pratique, on imagine difficilement que le Gouvernement puisse outrepasser ces recommandations et avis, visant à assurer la pérennité financière – un terme parfaitement flou qui, à nos yeux, ne signifie que la réduction des déficits par de nouveaux reculs sociaux. En tout cas, il est difficilement concevable que le Gouvernement ne se serve pas du comité, au moins pour lancer des ballons d’essai destinés à préparer l’opinion à de nouveaux reculs. Il est, enfin, une quatrième raison de fond pouvant justifier, à nos yeux, que l’ensemble des parlementaires, tous groupes confondus, adopte cet amendement de suppression : je veux parler du fait que la représentation nationale ne devrait pas déléguer à un comité d’experts le soin de faire la politique en matière de retraites… (1ère séance du 9 Octobre)

 

La retraite, une affaire de jeunes

 

… Cet article 16 prévoit un dispositif censé permettre aux jeunes de racheter des trimestres au titre de leurs années d’études. L’allongement de la durée des études, qui constitue une grande avancée et un atout pour notre société, a pour conséquence indirecte un déficit des années de cotisation. Pour rappel, la génération de 1958 totalisait à trente ans quarante trimestres de cotisations ; au même âge, la génération de 1973 a cotisé seulement trente trimestres. Mais le dispositif qui nous est proposé est à bien des égards injuste et inopérant. Parce qu’il prévoit une aide de l’État pour le rachat de quatre trimestres maximum dans une période de cinq ans maximum après la fin des études, ce dispositif est injuste car il favorise le rachat pour les étudiants les plus aisés, ou en tout cas issus d’un milieu déjà favorisé. Par ailleurs, le prix du rachat est prohibitif : près de 7 000 euros pour quatre trimestres, pour des jeunes qui ont du mal à financer leur passage dans la vie active, notamment, pour beaucoup d’entre eux, à rembourser leur prêt étudiant. Cela risque donc fort de rebuter l’immense majorité des personnes concernées. L’étude d’impact pointe d’ailleurs ces manquements, puisqu’elle estime à 30 000 le nombre de bénéficiaires potentiels, soit moins de 5 % d’une génération. Monsieur le rapporteur avait du reste, si je ne trahis pas ses propos, admis en commission que ce dispositif n’était pas « extrêmement convaincant ». Après avoir salué hier soir son sens de l’ouverture et sa souplesse, je peux donc saluer cet après-midi son sens de la litote ! Pour ces raisons, nous portons d’autres propositions en faveur d’une réelle prise en compte des années d’études, comme le demandent d’ailleurs l’ensemble des organisations étudiantes et des syndicats de salariés. Certains, rassemblés dans le collectif « La retraite, une affaire de jeunes », font des propositions extrêmement précises, telle que deux trimestres par année dans une limite de cinq ans… (2ème séance du 11 Octobre)

 

Le débat va maintenant se poursuivre au Sénat, à compter du 28 Octobre, et le projet de loi reviendra ensuite, en 2ème lecture, à l’Assemblée Nationale.

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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 08:34

Lors de la séance des questions au gouvernement du 9 Octobre 2013, Marc DOLEZ a interpellé le gouvernement sur la fiscalité :

 

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le Premier ministre, si le tour de vis fiscal a bien été engagé sous le précédent quinquennat, en l’état actuel des choses, vos choix budgétaires ne permettent pas de répondre à l’angoisse de millions de contribuables. Figurent parmi eux beaucoup de retraités imposables pour la première fois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) : on leur réclame cette année plusieurs centaines d’euros, auxquels s’ajouteront les taxes dont ils étaient jusqu’ici exonérés, et l’augmentation de la TVA au 1er janvier. Cette situation est d’autant plus inacceptable que l’évasion fiscale se chiffre par dizaines de milliards d’euros.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Très bien !

M. Marc Dolez. Elle devrait amener le Gouvernement à décider immédiatement d’un moratoire et à revenir à la situation antérieure pour les personnes touchées.


Mais la justice sociale et l’efficacité économique appellent aussi et surtout une grande réforme de la fiscalité, pour, à la fois, tenir réellement compte des capacités contributives de chacun, augmenter le nombre de tranches d’impôt, diminuer les prélèvements sur le travail et augmenter l’imposition du capital, moduler l’imposition des sociétés en fonction de la création d’emplois et des salaires, refonder la fiscalité locale, diminuer les impôts indirects sur les produits de première nécessite. Bref, une réforme qui rompe avec la spirale de l’austérité pour encourager la relance par le pouvoir d’achat et favoriser l’emploi.

Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement est-il prêt à mettre en chantier la véritable réforme fiscale dont le pays a tant besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Maurice Leroy. Et du matraquage fiscal !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je veux, monsieur le député Dolez, apporter une réponse précise à la question que vous posez. D’abord, vous vous inquiétez, comme d’autres parlementaires, de la situation de contribuables, notamment de contribuables âgés, qui sont désormais soumis à l’impôt sur le revenu alors qu’ils ne l’étaient plus depuis longtemps ou qu’ils n’avaient pas vocation à l’être. Si cette situation existe, monsieur le député, vous le savez bien et vous auriez pu le préciser en posant votre question, c’est parce qu’il a été décidé en 2011 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) de mettre fin à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu et que la précédente majorité avait également décidé de mettre fin à la demi-part des veuves.

Mme Laure de La Raudière. Mais assumez donc un peu !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cela conduit aujourd’hui des milliers de personnes âgées à l’imposition.

M. Laurent Wauquiez. Sans oublier les retraités ayant élevé trois enfants !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous sommes déterminés à corriger cela. Comment ? D’abord, nous avons pris l’an dernier une mesure de décote que nous compléterons cette année par une mesure de réindexation de l’ensemble du barème de l’impôt sur le revenu. Nous accompagnons cela d’une nouvelle décote, et nous allons prendre des mesures, en liaison avec les groupes de la majorité, pour relever ce que l’on appelle le revenu fiscal de référence. Cela permettra à toutes ces personnes âgées, qui ont été victimes de vos injustices, mesdames et messieurs les députés de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), qui, de ce fait, paient la CSG, qui paient la taxe d’habitation, qui paient la redevance audiovisuelle, de sortir du barème ou de ne pas avoir à y entrer.

Deuxième point, nous sommes déterminés à lutter contre la fraude fiscale. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Votre groupe a d’ailleurs contribué, grâce à l’excellent travail fait par le sénateur Bocquet, à amender notre texte. Nous sommes déterminés à lutter contre la fraude fiscale.

M. Patrice Verchère. Cahuzac !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cela nous conduira à récupérer, en 2014, près de deux milliards d’euros sur ceux qui ne paient pas l’impôt.

Enfin, si nous ne sommes pas favorables au grand soir fiscal, nous sommes favorables à la réforme fiscale. Il y a des mesures dans ce budget, il y en aura dans d’autres, pour faire en sorte que l’impôt soit plus juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

 

 

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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 08:55

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, mesdames, messieurs, le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans le cadre de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998, lequel définit pour vingt ans l’organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation. Il vise à moderniser le statut de la Nouvelle-Calédonie et constitue, ainsi, une nouvelle étape du processus engagé, voici déjà vingt-cinq ans.
Ce projet de loi est également la traduction des demandes unanimement exprimées en décembre 2012 par le dixième comité des signataires de l’accord de Nouméa. À cette occasion, ceux-ci ont insisté sur la nécessité de prendre en compte les conséquences pratiques des derniers transferts de compétences et de mieux les accompagner en dotant les institutions calédoniennes d’instruments de gouvernance modernes en matière budgétaire et financière.
La principale mesure du projet de loi organique figure à l’article 1er : il s’agit de la faculté désormais reconnue à la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes relevant de son champ de compétences. Toute autorité administrative indépendante, créée par le congrès à l’issue de l’adoption d’une loi du pays, pourra se voir reconnaître des pouvoirs de réglementation, de sanction et d’investigation. Elle disposera d’un budget et de moyens affectés par la Nouvelle-Calédonie et pourra conclure une convention avec les autorités indépendantes nationales pour l’exercice de ses missions.
En pratique, il s’agit, dans l’immédiat, de mettre en place une autorité administrative indépendante chargée de la concurrence disposant d’un véritable pouvoir d’enquête et de sanction afin de lutter contre la vie chère. Le phénomène de la vie chère est, en effet, récurrent outre-mer, tout particulièrement en Nouvelle-Calédonie, laquelle a connu, voici quelques mois, un mouvement social de grande ampleur. C’est au terme de longues négociations qu’un protocole d’accord mettant fin à la grève générale a été signé en mai dernier.
Le texte prévoit principalement une baisse immédiate des prix de 10 % pour 300 produits d’alimentation et d’hygiène ainsi qu’une baisse de 10 % sur 200 produits non alimentaires. Si les signataires du document ont aussi acté le gel des prix jusqu’au 31 décembre 2014, le problème de la vie chère en outre-mer est cependant loin d’être réglé puisque les prix y sont supérieurs de 30 à 40 % à ceux pratiqués en métropole.
Des avancées ont incontestablement été obtenues, mais beaucoup reste à faire. C’est pourquoi nous soutenons la création de cette autorité de la concurrence afin que la Nouvelle-Calédonie puisse mettre en œuvre la loi dite antitrust et, ainsi, éviter qu’une concentration excessive dans certains secteurs d’activité ne porte gravement atteinte au pouvoir d’achat des Calédoniens. À notre sens, l’autre grande priorité doit être l’emploi des jeunes, tant le chômage des jeunes atteint un taux inacceptable en Nouvelle-Calédonie comme dans tout l’outre-mer.
Le projet de loi clarifie par ailleurs utilement les compétences de la Nouvelle-Calédonie et, plus spécialement, du Congrès. Il améliore le fonctionnement des institutions calédoniennes et comporte des dispositions techniques relatives à l’actualisation des règles administratives et financières, dans le respect, et c’est évidemment essentiel, de l’équilibre issu de l’accord de Nouméa.
C’est pour toutes ces raisons que les députés du Front de gauche voteront le projet de loi organique sur la Nouvelle-Calédonie comme le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, ces deux textes constituant une étape, consensuelle, dans l’évolution des territoires concernés. (Applaudissements sur tous les bancs.)

 

- Assemblée Nationale, 1ère séance du mercredi 2 Octobre 2013 -

 

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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 16:16

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a déjà plus de vingt ans, en 1991, dans son rapport public annuel, le Conseil d’État avait fait part de ses inquiétudes concernant la complexité du droit, caractérisée par la prolifération désordonnée des textes, l’instabilité croissante des règles et la dégradation manifeste de la norme. Depuis lors, ces préoccupations ont été relayées par de nombreux rapports s’alarmant de la surproduction normative et relevant la situation particulièrement préoccupante des collectivités territoriales.
Le poids des normes dans les collectivités est en effet considérable puisque leur stock est évalué aujourd’hui à 400 000 par l’Association des maires de France. Le désarroi des élus locaux est à cet égard bien réel. Il a d’ailleurs été très clairement exprimé lors des états généraux de la démocratie territoriale l’an dernier, même si, bien sûr, les difficultés des élus sont aussi et surtout liées au désengagement de l’État et à la diminution de leurs moyens financiers.
La prolifération des normes est à la fois source de complexité, d’insécurité juridique et de coûts importants supportés par les budgets locaux : 2,3 milliards d’euros pour les seules mises aux normes imposées entre 2009 et 2011. C’est pourquoi le groupe GDR soutient la démarche traduite par cette proposition de loi. La création d’une nouvelle instance, le Conseil national chargé du contrôle et de la régulation des normes, appelé à remplacer la Commission consultative d’évaluation des normes et doté de pouvoirs et de moyens renforcés, nous paraît indispensable pour agir sur le stock et le flux de normes, même si, évidemment, ce nouveau mécanisme de régulation et de contrôle ne pourra, à lui seul, enrayer la surproduction normative.
L’objectif principal reste de renforcer le contrôle et l’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales, et, nous nous en félicitons, les compétences du Conseil national sont sensiblement étendues. Tout d’abord, celui-ci pourra évaluer toute norme réglementaire aujourd’hui en vigueur ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales ou leurs groupements. C’est une avancée notable, comme l’est également sa saisine obligatoire, et non plus facultative, par le Gouvernement sur l’impact financier des projets de loi créant ou modifiant des normes. De même, le Conseil national pourra émettre un avis sur les projets d’acte de l’Union européenne ayant un impact technique et financier sur les collectivités, et les présidents des deux assemblées pourront le saisir pour l’examen d’une proposition de loi, sauf si son auteur s’y oppose.
Nous sommes ensuite favorables à l’allongement et à l’encadrement des délais d’examen. En cas d’avis défavorable rendu par le Conseil national sur un projet de norme réglementaire, la commission des lois a utilement précisé que la nouvelle délibération du projet pourrait porter sur un projet modifié par le Gouvernement, afin de prendre en compte l’avis du Conseil national, ou sur le même texte accompagné d’informations complémentaires présentées par le Gouvernement.
Les mesures de publicité renforcée qui sont prévues – avis publiés au Journal officiel et avis sur les projets de loi annexés à l’étude d’impact – nous paraissent de nature à responsabiliser davantage les administrations centrales dans leurs travaux d’élaboration des projets réglementaires ou législatifs.
Enfin, nous sommes satisfaits du rééquilibrage de la composition de la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs entre représentants des élus locaux et représentants des administrations et du monde sportif. Les élus locaux qui ont en charge d’appliquer les normes sportives pourront donc faire part de leurs observations techniques et partager leurs connaissances du terrain en amont. Ici aussi, nous sommes favorables à l’allongement du délai dont disposera cette commission pour rendre ses avis, ainsi qu’à la publicité renforcée de ces derniers.

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, les députés du Front de gauche voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

 

- Assemblée Nationale, séance du 19 Septembre 2013 -

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18 septembre 2013 3 18 /09 /septembre /2013 08:23

Ci-après l’intervention de Marc DOLEZ au nom du groupe GDR (Assemblée Nationale, séance du 16 Septembre 2013) :

 

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que l’administration constitue la représentation la plus visible de l’État et joue à ce titre un rôle fondamental, nos concitoyens expriment souvent une défiance certaine à son égard.

Le Défenseur des droits s’en fait lui-même l’écho, dans son rapport annuel pour 2012, publié en juin dernier, en indiquant notamment que, parmi les réclamations reçues, dans bien des cas, « ce n’est pas tant un droit qui aurait été lésé, mais une information qui n’a pas été délivrée ou une aide, voire un conseil, qui n’a pas été consentie ».

Des pratiques bureaucratiques encore répandues, le déficit d’information sur les procédures administratives, ou encore l’inadéquation des structures d’accueil peuvent expliquer cette défiance. À vrai dire, les difficultés rencontrées au quotidien par les citoyens dans leurs rapports avec l’administration ne sont pas nouvelles et notre législation, à partir des années 1970, a entrepris d’y remédier : loi de janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, loi de juillet 1978 créant la Commission d’accès aux documents administratifs, loi de juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, loi d’avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration.

En dépit de ces avancées notables vers la transparence et la simplification des procédures, notre administration demeure aux yeux de beaucoup de citoyens trop opaque et complexe. Rééquilibrer les rapports entre l’administration et les citoyens est aujourd’hui une exigence démocratique qui permettra de renforcer la crédibilité de l’administration, donc de l’État, auprès des citoyens.

Avant d’aborder le fond de ce projet de loi, je veux rappeler – cela ne vous étonnera pas, madame la ministre – l’opposition de notre groupe à la procédure des ordonnances de l’article 38 de la Constitution. Nous sommes en effet hostiles à cette procédure qui permet au Gouvernement de légiférer à la place du Parlement et prive celui-ci de ses prérogatives. Nous sommes aussi opposés à une certaine banalisation de cette pratique, qui concerne des domaines de plus en plus larges et bien souvent loin d’être purement techniques.

Cela étant précisé, nous partageons les objectifs de ce texte, qui vise à faciliter le dialogue entre les administrations et les citoyens, à simplifier les démarches administratives, à rendre plus efficace l’action administrative, qui sont donc de nature à redonner confiance à nos concitoyens.

S’agissant, tout d’abord, de l’adaptation aux évolutions technologiques et de l’instauration d’échanges avec l’administration par voie électronique, nous y sommes favorables dans la mesure où cela pourra simplifier ces échanges. Nous insistons cependant sur une difficulté majeure et récurrente des relations entre l’administration et les citoyens, à savoir la déshumanisation du traitement des réclamations par les services publics. Il faut toujours garder à l’esprit que derrière les procédures administratives il y a des hommes et des femmes.

M. Matthias Fekl. C’est vrai !

M. Marc Dolez. Si la généralisation de l’informatisation des procédures a permis de véritables progrès de l’administration en matière de gestion des réclamations courantes, en revanche, comme le souligne le Défenseur des droits, « pour les cas ’’en dehors des clous’’, les procédures informatiques préformatées peuvent s’avérer devenir des obstacles difficilement surmontables tant pour les usagers des services publics que pour les gestionnaires en charge de leur traitement. De même, la mise en place de plates-formes téléphoniques facilite certes la gestion d’une grande partie des demandes des usagers des services publics, mais ne permet pas de traiter les cas particuliers. » J’ajoute que la réduction de la fracture numérique reste un impératif pour que l’ensemble des citoyens puissent réellement accéder à ces nouveaux outils de communication.

Concernant la codification des règles qui régissent les relations entre les citoyens et l’administration, nous soutenons la démarche du Gouvernement qui tend à créer un code orienté, avant tout, vers le citoyen. En revanche, comme ce code ne sera pas édicté à droit constant, il nous paraît difficile de le valider en amont alors que son contenu pourra être étendu par le Gouvernement.

Nous approuvons, par ailleurs, l’inversion du principe du « refus tacite » qui prévaut aujourd’hui au profit d’une généralisation de la règle de « l’accord tacite » de l’administration en cas de silence de sa part. Cette disposition incitera probablement l’administration à accélérer ses délais de réponse et renforcera la transparence des procédures administratives.

Je souhaite enfin aborder deux amendements du Gouvernement, qui ont été adoptés en commission. Le premier concerne le principe « Dites-le nous une fois » qui facilitera les démarches des citoyens en ce qu’il systématisera les échanges d’informations entre administrations afin que les mêmes informations ne soient pas demandées plusieurs fois. Comme le souligne à juste titre le rapporteur, cette méthode a déjà été retenue par l’administration fiscale dans le cadre de la mise en œuvre de la télé-déclaration de revenus où aucune pièce justificative n’est demandée au déclarant.

Le second amendement transpose la directive adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 11 mai 2011. Nous soutenons pleinement cette disposition qui consolide les droits des bénéficiaires d’une protection internationale et sécurise leur droit au séjour en leur conférant un titre de dix ans.

Même si nous déplorons le recours aux ordonnances, nous adhérons pleinement à la finalité d’un texte qui tend à restaurer la confiance de nos concitoyens à l’endroit de l’administration. C’est pourquoi les députés du Front de gauche voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

 

 

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9 septembre 2013 1 09 /09 /septembre /2013 09:01

 

LETTRE OUVERTE DES DEPUTES FRONT DE GAUCHE

AUX CONGRESSISTES AMERICAINS

 

 

Chers amis, Chers collègues,

 

Dans un Moyen-Orient poudrière, où les intérêts en présence dépassent largement les seuls enjeux intérieurs syriens, le déclenchement d’une intervention militaire telle qu’envisagée par les Etats-Unis d’Amérique présente un risque d’embrasement sans précédent. D’un Liban morcelé à un conflit israélo-palestinien non résolu, d’un Iran facteur d’instabilité à l’activisme des monarchies absolutistes du Golfe, les dangers d’une guerre généralisée sont d’autant plus forts que les contours et les buts de cette intervention restent flous. Il s’agirait d’une opération qui s’inscrirait clairement en dehors de toute légalité internationale.

Nous souhaitions vous faire part de notre opposition à cette intervention militaire en Syrie et notre attachement à ce que l’ONU poursuive et amplifie ses efforts pour une paix juste. Tout acte unilatéral porterait irrémédiablement un coup fatal à ce processus, comme l’a justement rappelé son secrétaire général Ban Ki-moon.

Sortir le peuple syrien de l’enfer de la guerre civile marquée par près de 100 000 morts, nous partageons tous cette urgence humaine. Pour autant une intervention militaire ne ferait qu’éloigner cet horizon, en accentuant les affrontements et le chaos. Le peuple syrien, les civils, hommes, femmes, enfants, seraient les grands perdants, car une intervention militaire ne permettra, en rien,  de renverser le régime despotique de Bachar el-Assad. En rien elle ne fera progresser l’indispensable transition démocratique dans ce pays.

Seule une solution politique, forgée dans de nouvelles négociations entre les parties dans le cadre de l’ONU, peut ouvrir la porte à un apaisement du conflit. C’est d’ailleurs la position de nombreux pays membres de l’alliance atlantique qui ont signifié ces derniers jours leur refus d’intervenir en Syrie.

Depuis plusieurs années, dans l’ensemble du monde arabe, les peuples se sont soulevés avec en commun une même soif de justice, de liberté. Cependant, ce bel et fragile espoir démocratique demeure sous la menace des forces obscurantistes. Ce risque existe hélas aussi en Syrie. Les précédentes ingérences dans le monde oriental n’ont-elles pas montré qu’elles conduisent à conforter les pires extrémismes, plutôt qu’à enraciner la démocratie et le développement ?

Chers collègues, vous aurez l’opportunité dans quelques jours, à l’initiative du Président Barack Obama, de vous prononcer sur le bien fondé d’une intervention militaire en Syrie, à l’instar du vote devant la chambre des communes au Royaume-Uni. En France, aussi regrettable que ce soit, notre Parlement ne sera pas associé à ce choix fondamental.

Dans cette situation, qui fait exception au sein des grandes démocraties, nos regards se tournent vers vous. Nous comptons sur votre choix éclairé. Evitons au monde de plonger dans un engrenage guerrier dont nul ne connait l’issue. Gardons-nous de rallumer l’idée funeste du « choc des civilisations ».

Parce qu’il existe entre nos deux peuples, malgré nos différends, une longue amitié ouverte en 1778, nous espérons que notre voix en faveur de la paix pourra trouver Outre-Atlantique l’écoute dont elle est privée en France.

Avec notre entière considération et nos salutations distinguées.

 

François ASENSI - Alain BOCQUET - Marie-George BUFFET - Jean-Jacques CANDELIER - Patrice CARVALHO - Gaby CHARROUX - André CHASSAIGNE - Marc DOLEZ - Jacqueline FRAYSSE - Nicolas SANSU -

 

 

                                                                                   Le 6 Septembre 2013

 

 

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22 juillet 2013 1 22 /07 /juillet /2013 08:43

L’Assemblée Nationale a débattu, toute la semaine dernière, du projet de loi relatif à l’affirmation des métropoles, présenté par le gouvernement comme le premier volet d’un nouvel acte de décentralisation.

Les Députés du Front de Gauche se sont fermement opposés à ce texte, pour les raisons indiquées dans son intervention par Marc DOLEZ.

(1ère séance du mercredi 17 Juillet 2013) :

 

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, madame la ministre déléguée chargée de la décentralisation, vous me permettrez de vous le dire sans ambages, la première lacune de votre texte, qui en comporte de nombreuses, est d’aller à l’encontre des attentes et des préoccupations des élus locaux…

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. Alain Chrétien. Rien que cela !

M. Marc Dolez. …telles qu’elles ont été clairement exprimées lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat en octobre 2012.

À cette occasion et dans leur diversité, plus de 20 000 d’entre eux, souvent très critiques sur la réforme de 2010, ont réaffirmé leur indéfectible attachement à la commune et la nécessité de respecter chaque niveau de collectivité et d’évaluer les différentes lois de décentralisation avant de procéder à toute nouvelle réforme.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. Marc Dolez. Alors que l’on pouvait espérer que le Gouvernement puise son inspiration dans les travaux de ces états généraux, le projet de loi qu’il nous propose s’inscrit malheureusement dans la continuité de la réforme de 2010, combattue à l’époque par toute la gauche et dont, pour notre part, nous demandons toujours l’abrogation.

Votre texte se caractérise en effet par une vision intégratrice de l’intercommunalité et renforce le processus de métropolisation des territoires. C’est sa deuxième lacune : plutôt que de partir logiquement de la commune pour, le cas échéant, adapter l’architecture des structures locales et de leurs relations, c’est-à-dire commencer par les fondations, vous faites le choix de partir du haut par l’affirmation de métropoles qui vont en quelque sorte chapeauter la République.

Le calendrier que vous avez retenu pour l’examen de votre réforme résume à lui seul la philosophie de la démarche : concentration des pouvoirs locaux, éloignement des citoyens des lieux de décision. Nul ne nie bien sûr l’existence d’enjeux à l’échelle des aires métropolitaines et la nécessité de mieux appréhender ces réalités, mais la prise en compte des défis urbains et humains ne sera effective que si elle est confiée à une gouvernance qui s’inscrit dans une logique citoyenne.

Tel n’est pas le cas de la gouvernance définie dans ce projet de loi puisqu’elle nie tout aspect de construction de projets avec les citoyens, de prise en compte des besoins des territoires. Cette gouvernance ne se fixe pas comme objectif la lutte contre les inégalités sociales et territoriales qui mine les grandes agglomérations. Les métropoles n’auront pour seule logique que la sacro-sainte compétitivité et l’attractivité des capitaux.

À vrai dire, votre métropole, véritable monstre juridique et technocratique, représente une mutation profonde et radicale de l’organisation des territoires : elle bouleverse la nature des relations des citoyens à leur espace et elle remet en cause des territorialités façonnées par notre histoire et structurantes de la citoyenneté.

L’objectif de ce big-bang institutionnel est d’imposer la métropole comme clef de voûte de l’organisation territoriale de la République au détriment, d’une part, de l’État et de son rôle de garant de l’égalité territoriale et, d’autre part, de la commune, foyer de démocratie et de citoyenneté.

Oui, le risque est grand d’une déstabilisation de notre construction républicaine reposant sur l’égalité de tous, visant à l’équilibre et à la solidarité entre les territoires qui font la France. Le risque est grand d’un renforcement de la place des grandes aires urbaines au détriment des autres territoires, qui sont, eux, en voie de paupérisation. Le risque est grand d’un renforcement de la compétitivité libérale et d’une aggravation des fractures de toute sorte et donc d’une France des territoires à plusieurs vitesses.

Le réquisitoire est sévère, j’en conviens,…

M. Philippe Goujon. Mais juste !

M. Marc Dolez. …mais lucide, car il s’appuie sur le texte soumis à notre examen et sur le dispositif qui en découle.

D’abord, pour mieux intégrer le fait métropolitain, le projet de loi dans sa version actuelle passe du choix volontaire à l’application automatique du statut de métropole dès lors que les conditions seront réunies. Ainsi, selon l’article 31, seront automatiquement transformés en une métropole les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine – au sens de l’INSEE – de plus de 650 000 habitants, ou un ensemble de plus de 400 000 habitants dans le périmètre duquel se trouve le chef-lieu de région.

Ensuite, les compétences et le rôle des métropoles sont renforcés pour en faire les vrais lieux de pouvoir. Elles se voient ainsi dotées de l’essentiel des ressources de développement disponibles et des compétences dans une logique de compétitivité qui, pour les plus grandes aires urbaines, s’étend au niveau européen, voire mondial. Leurs compétences sont d’ailleurs étendues par rapport à celles qui étaient définies en 2010, particulièrement en matière de développement économique, d’innovation, de transition énergétique ou de politique de la ville. Toutes les compétences acquises librement par un EPCI avant sa transformation ou fusion au sein de la métropole sont transférées de plein droit à la métropole.

En outre, les métropoles vont bénéficier de transferts de compétences de plein droit des communes en matière de développement et d’aménagement économique, social et culturel, en matière d’aménagement de l’espace métropolitain, de politique locale de l’habitat, de politique de la ville, de gestion des services d’intérêt collectif, de protection et de mise en valeur de l’environnement et de politique du cadre de vie.

Les métropoles pourront aussi bénéficier de délégations de compétence de l’État qui, dans la pratique et quoi qu’on en dise, s’apparenteront immanquablement à de véritables transferts à la carte. C’est la remise en cause de la distinction entre l’habilitation générale de la collectivité à prendre en charge l’intérêt public local et le principe de spécialité qui caractérise les EPCI.

En effet, la liste des compétences d’attribution ne cesse de s’allonger. La métropole élargit ses compétences de nature communale, garde les principales compétences départementales et acquiert de surcroît des compétences régionales par convention. Les marges de manœuvre qu’offrent ces compétences obligatoires ou facultatives sont telles que la question de la clause de compétence générale, restituée aux régions et aux départements, n’a plus qu’un intérêt marginal lorsqu’il y a une métropole sur le territoire régional.

À cet égard, le rétablissement de la clause de compétence générale pour les départements et les régions à l’article 1er A est limité, pour ne pas dire entravé en pratique, par la mise en place des conférences territoriales et leur pacte de gouvernance, qui édictera des schémas prescriptifs, et la reconnaissance, pour certaines compétences, d’un chef de file.

Au sein de la conférence territoriale de l’action publique, les collectivités territoriales organiseront librement les modalités d’exercice de leurs compétences dans le cadre d’un pacte de gouvernance territoriale. Ainsi, d’une région à l’autre, les compétences de telles ou telles collectivités pourront ne pas être les mêmes. Cette conférence, présidée par le président du conseil régional, se substitue à la conférence des exécutifs, qui a pourtant fait ses preuves dans plusieurs régions.

De plus, si les collectivités territoriales ne se mettent pas d’accord par convention sur l’exercice d’une compétence partagée, elles ne pourront cofinancer des projets portés par d’autres collectivités. De même, si une commune n’approuve pas le schéma régional, elle devra se passer des cofinancements. Autrement dit, les collectivités qui ne signent pas le pacte de gouvernance territoriale et n’approuvent pas les schémas ne pourront plus bénéficier de financements croisés. Il y a là, effectivement, une atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.

Bref, mesdames les ministres, nous sommes loin d’un nouvel acte de décentralisation qui serait conforme aux principes fondateurs des lois de 1982.

Pour notre part, nous considérons que la décentralisation doit être organisée en fonction du principe de proximité permettant d’optimiser les décisions publiques dans le sens d’une plus grande satisfaction de l’intérêt général, tout en définissant les rôles respectifs de l’État et des différents échelons territoriaux. Nous faisons le choix du développement des coopérations et non de la mise en concurrence des territoires.

Nous considérons que l’autonomie des collectivités territoriales devrait être assurée grâce à l’actualisation du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et à une réforme de la fiscalité locale garantissant des moyens financiers pérennes et justes.

Une véritable décentralisation démocratique et républicaine doit être fondée sur la souveraineté populaire, le contrôle citoyen, l’égalité de traitement, la coopération entre les collectivités et la solidarité entre les territoires et les populations. Toute nouvelle entité administrative intercommunale devrait répondre aux besoins des administrés et résulter d’une démarche volontaire, transparente et compréhensible, construite progressivement dans le cadre de coopérations, plutôt que d’un rapprochement autoritaire de communes sans projets communs, obéissant exclusivement à une exigence de compétitivité.

C’est ainsi qu’à une conception centralisée et à une gouvernance confisquant le rôle des collectivités qui composent l’aire métropolitaine nous opposons une stratégie de politique publique et de développement, dans un dialogue véritablement démocratique avec toutes les collectivités, à commencer, bien sûr, par les communes.

Pas d’aire urbaine partagée sans prise en compte des projets construits avec les citoyens, sans leur collectivité ; pas de réponse positive aux défis métropolitains, s’ils ne sont pris en compte et fédérés dans des coopératives de projets.

C’est ainsi qu’à la fracture territoriale, qui résultera immanquablement du bouleversement proposé, nous opposons l’égalité entre les territoires, et donc un État qui joue pleinement son rôle péréquateur, garant de l’égalité des citoyens, où que ce soit dans la République, un État partenaire et mobilisateur plutôt qu’un État qui ne cesse de se défausser.

Pour toutes ces raisons, et pour toutes celles que notre groupe développera tout au long de nos débats, compte tenu des graves menaces qu’il fait peser sur l’unité même de la République, notre opposition à votre texte est totale et sans concession.

Mesdames les ministres, devant l’ampleur des mécontentements suscités dès le départ par le projet d’acte III de la décentralisation, le Gouvernement a fait le choix de scinder le texte en trois, plutôt que de revoir l’ensemble de sa copie. C’est une erreur profonde car, sur un sujet aussi essentiel pour l’avenir de la République, il eût fallu donner du temps au temps, pour reprendre la concertation avec les élus, leurs associations et les citoyens, pour organiser un véritable débat dans l’esprit des états généraux de l’automne dernier.

Ce n’est pas, hélas ! la décision qui a été prise, puisque, alors que le déroulement du débat au Sénat aurait au moins dû vous inciter à laisser davantage de temps à la réflexion, le texte nous est soumis aujourd’hui dans la précipitation et la chaleur estivale de cette session extraordinaire.

Dont acte. Mais, compte tenu du chamboulement qui s’annonce et de la gravité des conséquences qui découleront du texte que vous nous proposez sur une question aussi essentielle pour l’avenir de la République, il est une exigence dont le Gouvernement ne devrait pas s’affranchir : celle de consulter le peuple sur l’ensemble de la réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Très bien, monsieur Dolez !

 

 

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4 juillet 2013 4 04 /07 /juillet /2013 15:09

Ci-après l’intervention de Marc DOLEZ dans la discussion générale du projet de loi relatif à l’interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de parlementaire (Assemblée Nationale, 2ème séance du 3 Juillet 2013) :

 

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, débattre du non-cumul des mandats revient à traiter de la crise de la représentation politique qui mine la République depuis plusieurs années. Interdire ou limiter strictement le cumul, c’est apporter une réponse nécessaire, mais bien sûr insuffisante, pour retisser le lien de confiance entre les citoyens et leurs élus, pour réconcilier les Français avec leur démocratie et leurs représentants.

Aujourd’hui, le cumul d’un mandat parlementaire avec des responsabilités locales est une pratique courante : le non-cumul est l’exception et le cumul, la règle.

Malgré les améliorations apportées en 1985 et en 2000, la législation actuelle reste très permissive. Elle ne prévoit aucune incompatibilité entre un mandat parlementaire et l’exercice de responsabilités exécutives locales, elle n’inclut pas l’intercommunalité dans son champ d’application, elle autorise même le cumul avec deux mandats locaux si l’un concerne une commune de moins de 3 500 habitants.

Convenons-en : ce phénomène de grande ampleur, qui concerne tous les partis politiques suscite les critiques et la méfiance de nos concitoyens. C’est ainsi que, selon un récent sondage à propos du regard des Français sur leur représentation politique, sept personnes sur dix ne font pas confiance aux responsables politiques et six sur dix sont favorables à l’interdiction du cumul des mandats.

Oui, l’enjeu est bien ici de mettre fin à une exception française.

Comme l’ont souligné de nombreuses études, quelles que soient les différences entre les systèmes politiques des grandes démocraties comparables, aucune ne pratique le cumul des mandats à l’échelle qui est observée en France.

En France, près de 90 % des députés et sénateurs exercent un mandat local en même temps qu’un mandat parlementaire, tandis que dans la quasi-totalité des autres pays occidentaux la proportion ne dépasse jamais les 20 %.

Pour leur part, les députés du Front de gauche sont favorables à une stricte limitation des mandats en nombre et dans le temps, qui s’inscrit dans un ensemble de mesures fortes qu’ils préconisent pour une profonde rénovation de la vie politique dans la perspective d’une VIe République parlementaire, sociale et participative qu’ils appellent de leurs vœux.

Au-delà du débat sur l’absentéisme ou la disponibilité des parlementaires, la pratique du cumul pose aussi la question des situations de conflits d’intérêts dont le professeur Yves Mény dénonçait, il y a quinze ans déjà, les risques d’institutionnalisation.

Quoi qu’on en dise, diriger un exécutif local incite souvent à privilégier l’intérêt local par rapport à l’intérêt national. La limitation stricte des mandats doit permettre de rompre avec cette culture démocratique que le même Yves Mény qualifiait de « conception hyper-élitiste de la société, de la crainte de la compétition et de l’affrontement concurrentiel et donc d’une stratégie tendanciellement monopoliste qui fait le vide autour du cumulant ».

Le cumul des mandats fige le personnel politique en nombre et dans le temps. Les femmes, les jeunes, les ouvriers et employés, les Français issus de l’immigration sont sous-représentés au Parlement. L’interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de parlementaires est de nature à briser le cercle vicieux de l’appropriation du pouvoir. Elle encouragera le renouvellement du personnel politique et permettra aux citoyens de se sentir mieux représentés.

Mais la pratique du cumul est aussi un handicap pour l’efficacité de l’action publique et la limitation drastique des mandats des parlementaires correspond aux exigences d’une démocratie moderne.

C’est d’abord une question de principes.

L’exercice de la fonction parlementaire – représenter la nation, voter la loi, contrôler l’action du Gouvernement, évaluer les politiques publiques – ne saurait se satisfaire d’un temps partiel. L’argument toujours rabâché de la nécessité d’un ancrage local pour être à l’écoute de ses concitoyens ne saurait être sérieusement retenu. Plusieurs d’entre nous dans cet hémicycle qui ne se sentent absolument pas « hors sol » pourraient en témoigner. On n’a évidemment pas besoin de cumuler pour être un député de terrain.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Très juste !

M. Marc Dolez. Mais le non-cumul est aussi une exigence démocratique, l’absentéisme parlementaire étant bien sûr un signe de l’affaiblissement du Parlement. Face au déséquilibre institutionnel au profit de l’exécutif, accentué depuis dix ans par l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, le renforcement de la place et du rôle du Parlement passe par la volonté des parlementaires de se saisir pleinement des pouvoirs qui leur sont conférés par la Constitution.

C’est indispensable sous peine d’accroître encore ce que d’aucuns appellent la dérive localiste du Parlement, sous peine aussi de se résigner irrémédiablement à ce déséquilibre institutionnel.

Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables aux dispositifs proposés par ces deux projets de loi qui prévoient que les députés et sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen pourront continuer à exercer un mandat local, mais ne pourront plus avoir de fonction exécutive dans une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale.

C’est un dispositif équilibré à la fois dans son périmètre et dans son calendrier, qui répond ainsi aux vœux que formulait Guy Carcassonne que je me plais aussi à citer : « Le cumul des mandats est une plaie, il faut la cautériser. Rien n’interdit de le faire intelligemment ».

M. Philippe Gosselin. « Cumulatio delenda est »…

M. Marc Dolez. L’objectif est, je crois, ici atteint même si à titre tout à fait personnel, je souhaite que ce point d’équilibre ne soit qu’une étape vers le mandat unique, comme le préconise d’ailleurs très clairement le rapport de la commission Jospin, car je crois cette évolution inéluctable.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Absolument !

M. Marc Dolez. Pour en revenir à l’équilibre du texte à la suite de son examen en commission, nous nous réjouissons de l’élargissement des incompatibilités aux fonctions de président et vice-président de syndicats intercommunaux et de syndicats mixtes, à certaines fonctions dérivées des mandats locaux telles que les celles de président d’établissements publics locaux, du Centre national de la fonction publique territoriale ou d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale, d’une société d’économie mixte locale, d’une société publique locale ou d’une société publique locale d’aménagement.

Nous regrettons cependant que le dispositif soit en retrait par rapport à la commission Jospin, à sa proposition n° 15 tendant à rendre incompatible le mandat de parlementaire avec toutes les fonctions dérivées des mandats locaux. Les fonctions de membre des assemblées délibérantes des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, de membre des conseils d’administration ou de surveillance d’établissements publics locaux, de société d’économie mixte locale, de sociétés publiques locales ou de tous les autres organismes dans lesquels siègent des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales sont en effet tout aussi importantes et inconciliables avec le mandat parlementaire que les fonctions exécutives locales.

J’ajoute que disposer d’un mandat local non exécutif mais exercer au sein d’un conseil régional ou d’un conseil départemental la présidence d’une grande commission comme la commission « Action économique » ou la commission de l’aménagement du territoire occupe autant que l’exercice d’une fonction exécutive locale et qu’il y aura peut-être à améliorer le texte sur ce point.

Nous aurions aussi aimé que soit retenue une autre proposition de la commission Jospin visant l’exercice à titre bénévole du mandat local simple que pourra conserver le parlementaire. Cela aurait été un élément supplémentaire de clarification.

S’agissant enfin de la modification des règles de remplacement des parlementaires, nous souscrivons à la modification adoptée en commission, à l’heureuse initiative du rapporteur, qui restreint par rapport au projet de loi initial les possibilités dans lesquelles un parlementaire démissionnaire est remplacé par son suppléant. Cela ne sera possible qu’en cas de cumul et, dans les autres cas, une élection partielle continuera d’être organisée. Cela nous semble effectivement plus conforme au respect de la souveraineté populaire. Nous ne pouvons adhérer à l’argument invoqué par l’étude d’impact selon lequel des élections partielles fréquentes entraîneraient la lassitude des électeurs : les causes de ladite lassitude sont évidemment à rechercher ailleurs.

Pour conclure, même si évidemment d’autres questions comme le cumul des mandats locaux ou le statut de l’élu devront être traitées, nous l’espérons, monsieur le ministre, dans le courant de la législature, nous considérons que ces deux projets de loi constituent une avancée réelle et décisive sur le chemin de l’indispensable rénovation de notre vie politique. En les adoptant, c’est un message fort que notre assemblée adressera aux Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

 

 

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18 juin 2013 2 18 /06 /juin /2013 14:25

Ci-après l’intervention de Marc DOLEZ, dans la discussion des deux projets de lois relatifs à la transparence de la vie publique (Assemblée Nationale, 1ère séance du 17 Juin 2013) :

 

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, garantir l’intégrité des élus, comme plus largement, celle des responsables publics est une exigence républicaine. Dans le contexte de crise que nous connaissons, redonner confiance au peuple constitue plus que jamais un impératif démocratique.

Comme le Gouvernement nous le propose, aujourd’hui, la restauration de ce lien de confiance passe nécessairement par une plus grande transparence de la vie publique. En effet, la mise en place d’un dispositif de prévention des conflits d’intérêts, l’amélioration de leur détection et de leur contrôle, le renforcement des mesures tendant à la transparence financière et des dispositifs répressifs constituent autant de gages de l’impartialité de tous ceux qui exercent des responsabilités publiques.

Dans notre pays, le débat sur les conflits d’intérêts est récurrent et l’absence de définition précise de cette notion a souvent été soulignée. Ces dernières années, la commission « Sauvé » de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique et la commission « Jospin » de rénovation et de déontologie de la vie publique ont formulé de pressantes recommandations dont certaines sont reprises par les projets de loi que nous examinons. C’est ainsi que l’article 2 du projet de loi ordinaire, reprenant la proposition de la commission « Jospin » définit, pour la première fois dans un texte de cette portée, la notion de conflit d’intérêts. Il s’agit d’une avancée importante, car cette définition, améliorée par la commission des lois, permettra de donner une base juridique solide à la prévention des conflits d’intérêts, afin de préserver l’intérêt général en évitant que la personne exerçant un mandat électif ou une fonction publique soit influencée dans ses choix par ses intérêts personnels, afin d’empêcher tout enrichissement personnel ou celui de proches, enfin, pour éviter toute suspicion et ainsi maintenir la crédibilité des acteurs publics et de leurs décisions.

Sur cette base, les deux projets de loi fixent une série d’obligations pour empêcher concrètement les conflits d’intérêts. Les incompatibilités applicables tant aux élus qu’aux agents publics ont été renforcées et précisées. L’obligation de déport ou la décharge de fonctions est mise en place à l’égard des membres du Gouvernement, des membres des autorités administratives indépendantes, des titulaires de fonctions exécutives locales et des agents chargés d’une mission de service public. Les membres du Gouvernement et les membres des autorités indépendantes intervenant dans le domaine économique devront confier à un tiers le soin de gérer, sans droit de regard de leur part, les instruments financiers qu’ils détiennent. Enfin, les règles de pantouflage sont durcies puisque, alors qu’aujourd’hui, seuls les fonctionnaires ont interdiction de rejoindre une entreprise avec laquelle ils ont été en relation du fait de leurs fonctions, le projet de loi ordinaire prévoit l’extension de cette interdiction aux ministres ainsi qu’aux titulaires de fonctions exécutives locales.

La prévention des conflits d’intérêts passe aussi par la généralisation des déclarations d’intérêt et de patrimoine dont le dépôt deviendra obligatoire. Nous nous félicitons, pour notre part, des améliorations adoptées par la commission des lois, laquelle a précisé le contenu des déclarations de situations patrimoniales et des déclarations d’intérêt et porté de trois à cinq ans la période rétrospective pour la déclaration d’intérêt des membres du Gouvernement.

Concernant la publicité des déclarations de patrimoine des membres du Parlement et des présidents d’exécutifs locaux, la commission des lois a opté pour un droit de consultation ouvert à tout citoyen inscrit sur les listes électorales. Cette solution équilibrée concilie nécessaire transparence et respect de la vie privée. Ce n’est d’ailleurs pas la publicité de la déclaration du patrimoine qui garantit l’intégrité, car cela n’empêche pas que la déclaration soit mensongère. Ce qui garantit l’intégrité, c’est la transparence du contrôle de la déclaration. Il importe de s’assurer que l’élu ne s’est pas anormalement enrichi pendant l’exercice de son mandat. C’est pourquoi on ne peut que se réjouir de la mise en place d’une nouvelle Haute autorité de la transparence de la vie publique, qui devient, en quelque sorte, la clé de voûte du mécanisme de contrôle de l’intégrité des responsables publics. Celle-ci remplacera la commission pour la transparence financière de la vie publique, créée en 1988, qui, il faut bien le dire, n’a jamais disposé des moyens de contrôler et de sanctionner efficacement. La question principale est bien de savoir, ici, si cette nouvelle Haute autorité aura les moyens de lutter efficacement contre les conflits d’intérêts et les défaillances des élus. Sans moyens humains et matériels pour mener à bien ses missions, elle ne serait qu’une coquille vide. De ce point de vue, les modifications apportées par la commission des lois vont assurément dans le bon sens puisqu’elles renforcent ses moyens de contrôle.

L’ouverture de la Haute autorité à des personnalités qualifiées nommées par les présidents des deux assemblées après avis conforme des commissions des lois à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés nous paraît opportune. Elle permettra de compléter les compétences juridiques des magistrats élus par des connaissances pratiques et obligera, en raison des conditions de majorité requise, le pouvoir de nomination à proposer des personnalités dont l’impartialité sera reconnue au-delà des clivages partisans. La Haute autorité se voit également dotée de l’autonomie financière et de la possibilité d’adopter son organisation interne et ses procédures par un règlement général. Elle sera, en outre, chargée d’agréer, sur la base de critères objectifs, les associations de lutte contre la corruption pouvant la saisir. S’agissant des moyens qui lui seront octroyés, la commission des lois a, là aussi, étendu ses pouvoirs de manière significative. En effet, l’administration fiscale devra lui transmettre les copies des déclarations d’impôt demandées dans un délai maximal de soixante jours. La Haute autorité aura la possibilité de demander l’exercice par l’administration fiscale de son droit de communication à l’ensemble des entreprises et organismes sur lesquels ce droit peut s’exercer et non pas aux seuls établissements financiers. Elle pourra aussi demander à l’administration fiscale la mise en œuvre des procédures d’assistance administrative internationale. Le pouvoir d’injonction de la Haute autorité a également été renforcé en ce qu’il est étendu à tous les responsables publics. Pour autant, si nous soutenons pleinement l’extension des pouvoirs de la Haute autorité, nous souhaiterions aussi qu’elle dispose des moyens d’enquête propres comme la plupart des autorités administratives indépendantes qui disposent de telles prérogatives. Lorsque nous discuterons des articles, nous présenterons un amendement en ce sens.

S’agissant, par ailleurs, du durcissement des sanctions applicables aux élus, nous considérons qu’il s’inscrit parfaitement dans l’objectif de lutte contre les conflits d’intérêts. Nous souscrivons ainsi à l’extension du champ du délit de pantouflage à l’ensemble des responsables publics, au renforcement des peines réprimant le délit de prise illégale d’intérêts ainsi qu’à la peine complémentaire d’inéligibilité pour les élus et responsables publics coupables de délit contre la probité publique ou de fraude fiscale.

Enfin, nous nous réjouissons de la consolidation de la protection des lanceurs d’alerte et de l’introduction dans le projet de loi de dispositions réformant le financement des partis politiques. Elles permettront de répondre aux problèmes posés par les micropartis tout en préservant le pluralisme politique.

C’est pour toutes ces raisons que les députés du Front de gauche approuvent ces deux projets de loi, lesquels comportent des avancées majeures en faveur de la prévention et de la lutte contre les conflits d’intérêts. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

 

 

 

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