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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 08:33

Ci-après le texte de l’intervention de Marc DOLEZ à l’Assemblée Nationale, le 26 Mai.

 

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues,

 

Ce projet de loi tend à modifier les conditions d’exercice des fonctionnaires nommés dans des emplois « à la décision du Gouvernement », puisqu’il lève la limite d’âge de soixante-cinq ans au-delà de laquelle un fonctionnaire ne peut plus exercer dans son corps d’origine.

Je veux d’emblée affirmer l’opposition de principe des députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche, puisque ceux-ci militent pour le droit à la retraite à soixante ans et à taux plein pour tous.

Cela dit, les arguments mis en avant pour justifier ce projet de loi ne sont pas convaincants. D’abord, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi ne pas avoir introduit les dispositions que vous nous présentez dans le projet de réforme des retraites dont nous avons débattu à l’automne dernier ? Vous comprendrez que nous nous interrogions sur l’inscription précipitée de ce texte, selon la procédure accélérée, dans un calendrier législatif déjà particulièrement chargé, à un an de l’élection présidentielle.

Non, l’argumentation n’est guère convaincante, car la dérogation proposée va largement au-delà de ce qui pourrait être considéré comme nécessaire pour atteindre l’objectif indiqué dans l’exposé des motifs, à savoir « faire face à des situations où l’intéressé dispose de qualités, de compétences et d’une expérience faisant qu’il est difficilement remplaçable, à court terme, dans les fonctions qu’il occupe ».

Au regard des emplois et des situations visés, une prolongation possible de deux ans est évidemment très longue, chacun en conviendra. Ce texte ne va pas, en tout cas, dans le sens d’un rajeunissement ni d’un renouvellement des cadres de la haute fonction publique. Que le Gouvernement soit aujourd’hui contraint de proposer ce projet de loi signifie-t-il que la fonction publique se trouve dans une situation telle, au regard du nombre de ses hauts fonctionnaires, de leur niveau de compétences, de la qualité de leur formation, que le départ à la retraite d’un seul d’entre eux entraînerait une désorganisation réelle du service ? Personne ne peut sérieusement le croire compte tenu de l’excellence de notre fonction publique, unanimement reconnue.

Comme un grand quotidien de l’après-midi en a émis l’hypothèse le 21 avril dernier, l’explication est peut-être que « les hauts fonctionnaires au service du Président de la République et de sa politique ne sont finalement pas aussi nombreux, au point qu’il faille absolument et contre les règles en vigueur prolonger leur affectation ».

Les principes affichés par le Gouvernement pour justifier cette modification de la loi sont manifestement de pure opportunité. J’en veux pour preuve qu’à l’automne 2009, lors de l’épisode malheureux de l’EPAD, l’Élysée s’est opposé à un projet de décret de Matignon qui prévoyait précisément de repousser la limite d’âge au-delà de soixante-cinq ans, afin de permettre au président de l’EPAD de l’époque de conserver sa présidence. Pour les raisons que l’on sait, l’Élysée défendait alors une application stricte de la limite d’âge, ce qui ne l’empêcha pas, quelques mois plus tard, à l’été 2010, d’accepter de repousser cette fois la limite d’âge pour permettre l’accession de son candidat à la présidence du conseil d’administration de la société du Grand Paris.

La question est donc posée : à qui profite ce projet de loi ? L’étude d’impact réalisée par le Gouvernement reconnaît que l’option proposée « n’est susceptible de concerner que quelques unités tout au plus chaque année », soit en théorie, pour l’année 2011, deux préfets, six ambassadeurs et trois recteurs !

En réalité, il est maintenant de notoriété publique que le projet de loi n’a d’autre but que de sauver le préfet Lambert, qui fêtera ses soixante-cinq ans le 5 juin.

D’où la course contre la montre que le Gouvernement impose au Parlement pour que la loi soit promulguée avant cette date fatidique. Et, pour s’assurer que les parlementaires aient bien compris ce qu’on leur demande, l’étude d’impact indique, dans son point 4 relatif à la mise en œuvre de la réforme :

« L’objet de la mesure peut concerner, sans qu’il soit besoin de le préciser, les situations en cours » ;

« Aucun décret d’application n’est nécessaire, les nouvelles dispositions législatives produiront leurs effets d’elles-mêmes ».

Considérer que le préfet Lambert est difficilement remplaçable pour reprendre l’expression déjà citée et utilisée dans l’exposé des motifs, revient naturellement à porter une appréciation sur l’action menée par celui-ci en Seine-Saint-Denis depuis sa nomination, il y a un an, mais tout aussi évidemment à faire le bilan de la politique qu’il est chargé de mettre en œuvre.

Pour la majorité des élus de ce département, les résultats ne sont absolument pas au rendez-vous les moyens humains et matériels mis à la disposition des forces de police étant à la fois insuffisants et inadaptés : insuffisants, car inférieurs de 10 % à 20 % à ce qui serait nécessaire.

Le seul réel changement réside probablement dans une communication et une logique de répression qui, au-delà de proclamations tonitruantes, n’ont apporté aucun résultat probant. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Ce projet de loi n’est donc qu’un texte de pure circonstance, un texte ad hominem destiné à régler un cas individuel, qui aura pour conséquence d’accroître les pouvoirs de nomination à la décision du Gouvernement, déjà discrétionnaire.

Il tend aussi, et c’est grave, à accréditer l’idée que la qualité du service public dépendrait d’un tout petit nombre de personnes. Ce n’est pas acceptable.

Après le démantèlement des services, la RGPP et la réduction des garanties statutaires, c’est une nouvelle atteinte portée à l’exception française et aux principes fondateurs de notre fonction publique auxquels, pour notre part, nous sommes attachés de manière indéfectible : principe d’égalité d’accès aux emplois publics posé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, principe d’indépendance qui protège le fonctionnaire des pressions partisanes et de l’arbitraire administratif, principe de responsabilité qui confère au fonctionnaire la plénitude des droits du citoyen.

C’est pour toutes ces raisons que les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront résolument contre ce texte. C’est pour toutes ces raisons qu’ils invitent notre assemblée à suivre sa commission des lois et à refuser ce texte de circonstance.

 

 

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